« Et toi, plutôt physique ou démat’ ? » Cette question déchaine les passions et anime les réseaux sociaux depuis quelques années maintenant. En effet, le débat entre l’amicale des matérialistes et les adeptes du numérique est interminable. Ce débat m’a surtout fait réfléchir sur mes pratiques. Étant passé par les deux écoles, et maintenant minimaliste, j’ai écrit ce billet réflexif. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise pratique. Pourtant et beaucoup peuvent l’oublier : la liberté de chacun est fondamentale et le respect doit être au centre de tous les échanges.
Le jeu vidéo physique fait partie de notre histoire
C’est un fait, certains ont été bercés par les jeux en format boite. Je l’ai été depuis tout jeune avec ma première console, la Nintendo NES et ses cartouches dans lesquelles il fallait souffler très fort. La Gameboy aussi, suivie de sa version couleur puis “Advance” ou encore la Gamegear avec ses six piles qui permettaient une autonomie record de trente minutes. J’ai vécu le grand bond technologique avec la Playstation première du nom et ses CD à verso tout noir. J’ai connu les prêts de jeux vidéo à mes copains tout comme les après-midi GoldenEye sur Nintendo 64. Les jeux en boites ont gravé ces souvenirs dans ma mémoire et ont façonné le joueur que je suis aujourd’hui, et que nous sommes tous.
Évidemment, il s’agit d’un constat purement personnel. Il dépend de votre année de naissance et de votre intérêt pour les jeux. Nous partageons tout de même ceci : l’essence pure du jeu vidéo historiquement en physique. C’est ce lien avec nos cartouches, nos disques et nos consoles qui nous attache profondément avec cette passion. Pourquoi oser parler de « numérique » alors ?
Pourquoi nous aimons tant nos boites ?
J’avais plusieurs raisons pour aimer mes collections de jeux vidéo. Déjà, l’idée de pouvoir faire découvrir ce magnifique média à nos enfants est agréable. Leur montrer les jeux qui nous ont bercés et retracer l’histoire à travers un excellent Mario ou Zelda, permet une certaine communion et surtout des purs moments de nostalgie et de plaisir.
Posséder une collection procure une indéniable satisfaction. Voir toutes ces boites rangées proprement (ou pas) dans une étagère flatte la rétine. Savoir que certains sont encore sous cellophane et protégé de la poussière vient activer un plaisir inexplicable.
Avoir un jeu en boite représente le principe du matérialisme. Pouvoir le toucher et le regarder est en lien direct avec l’argent dépensé pour lui. On a l’impression de réellement recevoir quelque chose en échange de notre labeur. Il n’est pas nécessaire d’avoir une bonne connexion internet. Avec des jeux qui pèsent maintenant entre 50 et 200 Go, il est agréable de pouvoir en profiter immédiatement. Cela se vérifie de moins en moins avec les mises à jour “Day one” (coucou Cyberpunk 2077) mais le principe est là. Évidemment, l’atout principal est aussi de pouvoir vendre, échanger ou faire don de ses jeux.
Il existe tout de même des inconvénients
Les collectionneurs le savent, les jeux physiques prennent beaucoup de place. Sans compter les éditions collectors toujours plus imposantes. En plus, ces versions qui permettent de recevoir du contenu additionnel, des figurines, des goodies et des livrets sont toujours plus onéreuses. Sans parler de la qualité qui n’est pas toujours au rendez-vous…
Quand un jeu devient rare ou ancien, le prix augmente sur le marché de l’occasion. En plus, il devient difficile à trouver. Devoir le chercher et surtout mettre la main dessus peut vite devenir frustrant et prendre du temps. Certains jeux ne sont pas édités en physique. Dans ce cas-là, il est obligatoire de se procurer une licence dématérialisée. Je pense aux jeux indépendants. Les développeurs n’ont pas forcément les moyens d’éditer une version physique et pouvoir mettre ses mains sur leur petit bijou peut parfois être compliqué.
C’est un peu moins vrai maintenant mais les prix des jeux physiques sont assez élevés. Il est possible d’obtenir des jolies remises assez rapidement mais respecter la règle du Day one nous oblige à sortir le porte-monnaie.
Le jeu vidéo dématérialisé en nouveau challenger
Pourquoi nous l’aimons ?
Pour celui qui aime avoir de la place, le dématérialisé à l’avantage de se rendre invisible. Il est aussi fou de savoir qu’il est possible d’avoir une gigantesque collection sans avoir besoin d’une pièce supplémentaire ou de remplir son garage. L’abondance des jeux offerts dans les abonnements me rend même perplexe sur la nécessité de remettre la main au porte-monnaie pour acheter un nouveau jeu. Parfois, il suffit juste d’attendre quelques mois pour voir débarquer le jeu que l’on désirait tant sur le Xbox Game Pass (pour ne citer que lui).
La facilité d’accès des jeux dématérialisés représente un avantage indéniable. C’est rapide voire quasi immédiat. Il n’est plus nécessaire d’aller dans les magasins, d’utiliser son véhicule et se confronter à des stocks parfois aléatoires. Le prix des jeux dématérialisée n’a plus de règle. Un jeu récent peut se trouver facilement à un très bons prix même à sa sortie. D’ailleurs, les remises sur ces jeux sont souvent beaucoup plus fréquentes et plus agressives que leurs homologues physiques. Un peu moins pendant les soldes. A cela s’ajoutent des PS5 et Xbox Series X qui permettent de renouer avec un plaisir de jeu presque immédiat.
Les points fâcheux
Évidemment, il est impossible de prêter ses jeux achetés sur son store favori. Il existe bien le partage de compte mais la manipulation n’est pas vraiment facilitante. La vente est aussi impossible. À l’inverse de l’achat de son jeu en version boite, se procurer un jeu dématérialisé s’apparente à acheter du vent. Ne pas recevoir un objet ou quelque chose de palpable change notre rapport avec nouvelle acquisition.
Dans le même principe, acheter un jeu dématérialisé ne fait pas de vous le propriétaire comme un jeu physique ! Étant lié directement à votre compte et à la plateforme, il s’agit d’une licence. Le jeu peut se retrouver délisté à tout moment et disparaitre. Parfois le prix des jeux sous les deux formes est le même. En faisant preuve de bon sens, il est délicat de vouloir acheter la version dématérialisée pour le même prix malgré les points positifs cités plus haut.
Que dit l’industrie du jeux vidéo ?
Depuis dix ans, le dématérialisé s’est fait une place de choix sur nos machines. Selon une étude du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) parue en 2018, la part de marché du jeu vidéo dématérialisé représente 78,7% du chiffre d’affaire contre 21,3% pour le support physique. Bien sûr, il faut prendre en compte l’explosion du jeu sur mobile et tablette mais pas seulement.
Comme dit plus haut et même s’il représente souvent un avantage. Le prix des jeux dématérialisés est parfois au même prix que les disques. Cela a le don d’agacer les joueurs mais tout s’explique par le système de distribution. Effectivement, un jeu physique passe par plusieurs niveaux. Le développeur crée le jeu, l’éditeur s’occupe du marketing et de la distribution et le distributeur achètent et écoulent les stocks. Chacun gagne sa part du gâteau. La distribution dématérialisée permet d’éluder ce principe pour proposer une relation développeur (voire éditeur qui peut parfois faire les deux) directement vers le consommateur. La marge est beaucoup plus élevée et c’est ce qui explique que la baisse de prix ne présente foncièrement aucun avantage.
On se rappelle tous de l’entrée fracassante de l’Epic Game store sur nos PC qui promettait une marge plus importante pour les développeurs par rapport à Steam. Avec la démocratisation des connexions internet à très haut débit, le support dématérialisé a maintenant tendance à devenir la nouvelle façon de consommer. Les jeux offerts dans les abonnements Xbox gold ou PS Plus montrent l’intérêt des compagnies à promouvoir ce mode de distribution. Les plateformes se sont multipliées. Uplay, GOG, Origin et même Amazon pour ne citer qu’eux.
D’ailleurs, cela a aussi contribué au développement rapide du marché gris. Plus récemment, les deux géants Sony et Microsoft ont lancé leur PS Now et le Xbox Game Pass qui permet de jouer à des jeux en streaming ou téléchargé depuis leur serveur. Le marché du dématérialisé est tellement porteur que Google a mis les petits plats dans les grands avec son offre Stadia, peut-être un peu trop tôt. Apple s’est aussi lancé avec son excellente offre Arcade et Amazon avec son Prime Gaming.
Les studios indépendants sont les grands gagnants
Quand il est possible pour un petit studio indépendant d’héberger et de vendre son jeu sur itch.io par exemple, la réduction des intermédiaires est primordiale. Même avec l’émergence des “gros” studios indépendants comme Supergiant Games (Transistor), Klei (Don’t Starve), Mojang (à l’origine de Minecraft mais maintenant appartenant à Microsoft), Milestone (Moto GP, WRC), leur premier choix de distribution est forcément vers le dématérialisé.
Pour autant, les sorties physiques représentent des événements très appréciés par les joueurs et montrent qu’elles ont tout de même un intérêt. Il faut saluer Limited Run Games pour ce travail d’intérêt général.
Finalement une affaire personnelle
Quand j’étais collectionneur, mes désirs inavoués étaient d’avoir un patrimoine vidéoludique qui avait/allait avoir de la valeur. N’ayons pas peur des mots mais une collection de jeux vidéo coute chère. Au-delà de sa valeur sentimentale, elle a une valeur pécuniaire. J’ai déjà plusieurs fois regardé ma collection en me disant « purée ça vaut beaucoup d’argent » ou encore « en cas de coup dur, j’ai une jolie manne financière dans toutes mes étagères » et j’étais satisfait par ce constat.
La vérité est qu’amasser sans cesse tous ces jeux vidéo m’a éloigné de la réalité. Celle d’en profiter plutôt que de les regarder. Les jeux sous “blister” ne présentent pour moi aucun intérêt si ce n’est collecter la poussière et être de l’argent qui aurait pu être investi ailleurs. Le dématérialisé implique des profonds changements dans notre façon de consommer nos jeux vidéo. Pour le meilleur et pour le pire. Certains appellent cela le progrès pendant que d’autres s’en insurgent. L’important est d’être heureux dans sa pratique, tout en respectant le choix de l’autre.
Finalement, ne dit-on pas que jouer à un jeu vidéo est une expérience à vivre ? N’avons-nous pas été ébahis devant GRIS, Zelda: Breath of the Wild ou The Last of Us ? Alors quelle est la vraie différence entre vivre cette aventure avec un CD/une cartouche ou avec une licence achetée sur un store ? Je me pose encore la question…