Il y a des jeux comme ça qui, dans leur proposition et leur message limpide, mettent en émoi, changent une perspective, touchent les sens et chavirent un cœur. C’est le cas de The Wreck, la surprise de ce mois de mars 2023. Développé et publié à Paris par les français de chez The Pixel Hunt, The Wreck raconte l’histoire de Junon. Une épopée tragique sur la maladie, le chagrin, les relations toxiques et la souffrance. Elle déboule sur PC, Playstation 4/5, Nintendo Switch et Xbox One/Series. C’est parti pour notre test de The Wreck !
Test The Wreck, une histoire d’écriture
Quand on dit que The Wreck est une histoire d’écriture, il faut comprendre deux sens. Dans le premier, on suit Junon, une auteure un peu en difficulté, abandonnée par sa créativité. Elle se pose beaucoup de questions sur la vie, ses choix ou encore ses relations. C’est à ce moment là qu’elle est touché par un événement dramatique de sa vie qui remettra tout en question, mais pas seulement.
Le deuxième sens fait bien référence à l’écriture du jeu qui en fait, n’est pas vraiment un jeu mais une expérience émotionnelle. Après Bury Me, My Love et Inua, A Story in Ice and Time, le studio français propose à nouveau un roman videoludique (visual novel). L’écriture est simple tout en étant pleine de sens, parfois profonde puis plus légère. La scénariste manie les mots et les émotions comme si elle maniait votre cœur.
L’histoire se développe et se déroule comme le scripte (littéralement) de la vie de Junon. Comment prendre les bonnes décision en étant « la fille de » ou comment vivre avec ses traumatismes du passé. C’est ce que Junon va découvrir en revoyant sa vie défiler sous ses yeux. Violemment amené par le sujet principale sur lequel tout tournera à savoir son accident. The Wreck signifie signifie l’épave. Comme si de la destruction devrait renaitre la vie. Junon l’apprendra au fur et à mesure, nous prenant comme témoin.
Pas vraiment un jeu
Effectivement The Wreck n’est pas vraiment un jeu mais plutôt une expérience. C’est ce qu’on ressent dès le début avec la première scène qui, sans dévoiler l’intrigue, est totalement déroutante alors qu’on a la manette à la main. On se demande ce qu’il se passe et c’est à ce moment précis que Junon prend le contrôle de notre système limbique.
Pas de martèlement de bouton ni même la nécessité d’utiliser les joysticks ou la croix directionnelle ici. Sur PS5, le jeu nécessite les gâchettes et le pavé tactile. La magie opère uniquement dans un premier temps par le texte, les choix qui se présentent progressivement devant nous et l’intrigue qui se met en place assez vite. Puis c’est par les thèmes abordés et les réflexions parfois tranchantes ou marrante de Junon qui nous transporte.
Cette dernière ne brise pas le quatrième mur mais être accompagné par ses effusions de pensées nous fait inévitablement penser à la créatrice de la série Fleabag mettant en scène l’excellente Phoebe Waller Bridge qui ne peut empêcher toutes ses voix intérieurs d’intervenir et donner la réplique.
Tout l’art réside dans le système de choix un peu déroutant au début. Comprenez que si vous faite preuve de curiosité, vous aurez plus de possibilité sinon vous finirez le jeu en ligne droite. Il n’y pas vraiment de gameplay dans The Wreck. Vous suivez l’histoire, découvrez des personnages, apprenez des événements de vie de Junon, de ses amis et sa famille.
En revanche, il y une mécanique de jeu, assez simpliste mais présente. L’aventure tourne autour de la manipulation du temps à la manière d’une certaine Alex Caufield dans Life is Strange. L’articulation est la même sauf qu’il s’agit cette fois de revenir dans le temps pour faire apparaitre des mots et des émotions qui feront avancer l’histoire tout en revivant l’accident encore et encore (et parfois c’est redondant).
Une réalisation touchante
Le travail fait sur le son est assez étonnant. D’un coté, encore une fois, l’esprit Life is Strange est omniprésent dans le choix des musiques plutôt mélancoliques qui collent parfaitement au jeu. Puis on est confronté au doublage. The Wreck est entièrement doublé en anglais sans possibilité de le mettre en français sauf la partie texte et sous titre.
On s’attendait vraiment à pouvoir y jouer en français pour une fois que la réalisation d’un jeu était si puissante. Ce fut une déception de voir que le doublage anglais est fait par une française. La prestation est convaincante avec une prononciation anglaise très française. En fait, on ne sait pas vraiment comment interpréter ce choix artistique mais on le respecte.
Même si nous faisons beaucoup de comparaisons, avec des excellents jeux somme toute, The Wreck emprunte beaucoup à un certain Captain Spirit dans la proposition graphique. Les couleurs pastels et le coté « pâte à modeler » qui colle parfaitement au style du jeu apporte aussi de la cohérence. On imagine une limite de budget qui n’a pas permis de faire mouvoir les lèvres des personnages ni de les faire bouger mais on se rappelle qu’il s’agit plutôt d’une bande dessiné, non pas d’un jeu à proprement parlé. Dans tous les cas, une fois adapté (ou pas) à la direction artistique de The Wreck, c’est l’émerveillement pas forcément visuel mais surtout émotionnel qui entre en jeu.
Techniquement et sur PS5, The Wreck ne souffre ni de ralentissement ni de bug notable. Tout est fluide et l’expérience est agréable du début à la fin. Encore une fois, le style sera clivant. On aime ou on aimera pas. De même pour les thèmes abordés qui ne plairont pas à tout le monde car parfois dérangeants, trop intimistes ou carrément insupportable pour certains. The Wreck est une œuvre cathartique, autant pour Junon et par résonance, pour le joueur. Vous êtes prévenus.
Alors oui, pour les plus téméraire, The Wreck n’est pas un jeu comme les autres. Il se range plutôt dans l’émotionnel plutôt que l’intellectuel. Oui, il ne dure que 5h et ne vous laissera pas peut être pas un souvenir indélébile car, il est vrai, c’est un jeu très « simpliste ». Pour autant, il faut saluer la performance quand il manipule nos émotions avec tant de brio comme quoi, le budget d’un jeu ne fait pas son expérience.