« Je t’humais, je t’hume et je t’humerai » : pourquoi on aime l’odeur des notices des (vieux) jeux vidéo ?
Si, comme moi, vous avez grandi dans les années 80/90 et que vous êtes toujours accro aux jeux vidéo, alors en 2024, il y a fort à parier que vous appréciez encore et toujours lancer une partie sur NES, sur Mega Drive, sur la première PlayStation… Une tendance rétrogaming qui a explosé ces dernières années, sans doute motivée par un âge qui avance et cette volonté de revenir à des plaisirs vidéoludiques simples (sans compter la transmission intergénérationnelle).
Sentir ses vieux jeux vidéo, une bouffée de nostalgie ?
Alors pourquoi, à l’heure du ray-tracing, de la 4K et autres 60 fps (coucou la PS5 Pro !), prend-on parfois davantage de plaisir à rejouer à un bon vieux Super Mario World, un Sonic 3 ou un Mega Man X ? Sans doute parce qu’il s’agit de jeux d’une qualité indiscutable, laquelle a su traverser les générations, mais aussi parce que rejouer à ces titres nous ramène aussitôt en enfance, en nous remémorant nos jeunes années, nos parents, nos grands-parents, les mercredis après-midi chez les copains, les matins de Noël où l’on déballait une nouvelle cartouche (voire une nouvelle console !)… Bref, cela nous transporte dans une époque lointaine, souvent bercée d’une douce et alors bien innocence nostalgie.
Mais si, comme moi, vous prenez encore un vrai plaisir à relancer vos « vieux jeux » d’antan, vous avez peut-être un reflexe étrange, qui se manifeste avant de relancer telle ou telle cartouche. En effet, non seulement on ouvre la boite avec délicatesse, on regarde les artworks avec attention, et on peut également avoir tendance à souffler dans sa cartouche. Mais à cela peut s’ajouter un autre rite vidéo-olfactif pour le moins étonnant, à savoir « sentir la notice« .
Car oui, il fut un temps où les jeux vidéo étaient livrées avec une notice. Cette dernière prenait la forme d’un mini grimoire, livré dans chaque jeu, qui donnait un ensemble d’indications plus ou moins sommaires, et qu’on feuilletait généralement pour la première fois sur la banquette arrière de la voiture en rentrant de Continent ou de Carrefour. Aujourd’hui encore, on (les vieux) adore feuilleter ces notices, parfois très inspirées d’ailleurs, et nous sommes nombreux donc à renifler ces dernières. Pour certains, comme notre vénérable Turk182, il s’agit même d’une « véritable bouffée de nostalgie« . Et c’est tout à fait ça.
L’importance du contexte, de la famille, des émotions…
Pour de nombreux joueurs, cette odeur caractéristique qui émane de nos jeux 8 et 16 bits (pour ne citer qu’eux), fait partie intégrante de la nostalgie. En effet, quand bien même nombreux sont ceux à être devenus « experts en rétrogaming » (tout en étant nés après le lancement des consoles en question), rien ne pourra jamais égaler les émotions, le contexte familial/social, et globalement cette nostalgie qui s’empare de ceux ayant connu cette période bénie, lorsqu’ils rouvrent un jeu NES par exemple.
Une simple odeur, et nous voilà ramené en 1992, dans notre petite chambre d’enfant, devant la (toute) petite TV CRT installée par notre papa (lequel portait souvent la moustache d’ailleurs).
Et aussi étonnant que cela puisse paraitre, 30 ans plus tard, en rouvrant mon Super Ghouls’n Ghosts sur Super Nintendo, mon Mega Man 4 sur NES (que j’ai conservé depuis l’enfance) ou encore Le Roi Lion (ou Aladdin oui) sur Mega Drive, on peut immédiatement « ressentir » cette bouffée de nostalgie, à travers nos yeux bien sûr, à travers des sonorités, mais aussi olfactivement parlant, au travers de l’odeur de la notice, du carton…
Pour rester sur la notice, outre nous inculquer les rudiments de gameplay et les bases du scénario d’un jeu, cette dernière faisait parfois office de… prolongation du jeu. En effet, qui n’a jamais prolonger le plaisir de son jeu fraichement acquis, en lisant soigneusement chaque page de la notice ? Lorsque la TV du salon était prise (ou lorsque la Game Boy n’avait plus de piles), le fait de se plonger dans la notice d’un jeu, c’était presque comme y jouer un peu.
A l’époque, on ne se contentait pas simplement du contenu de la cartouche. Tout faisait partie de l’expérience vidéoludique, de la jaquette sur la face avant, au résumé et aux screenshots sur la face arrière.
Sans oublier évidemment les petites publicités savamment glissées par l’éditeur, et la précieuse notice bien sûr. Les plus foufous utilisaient d’ailleurs cette dernière pour noter certaines astuces, comme l’ordre idéal pour vaincre les boss dans Mega Man 2 sur NES ou sur Game Boy. Ah, et on avait souvent une maman pour écrire notre nom au stylo indélébile à l’arrière de la cartouche, histoire de ne pas se faire endormir le jeu par les copains…
Bien plus qu’une « simple notice »…
Aujourd’hui, si les (vieux) joueurs regrettent évidemment l’absence de notices, voire de jeux physiques tout court parfois, les joueurs plus modernes, habitués au numérique et à des titres dotés notamment d’un « tuto » en début de jeu, ne verront pas l’intérêt de cette même notice. Comme évoqué plus haut, et comme le rétrogaming dans son ensemble finalement, ce n’est pas forcément « l’objet notice » qui est regretté par les anciens, mais tout ce qui l’entourait.
Certes, quelques notices sont de véritables chefs-d’œuvre, mais outre l’odeur, on appréciait également feuilleter ces dernières avant de lancer un jeu, pour se mettre dans l’ambiance. Il arrivait également que certaines notices distillent de petites astuces sur un jeu, sans compter certains artworks sublimes, certaines anecdotes, et toujours bien sûr, ce contexte émotionnel qui touche (plus ou moins fortement) nos jeux vidéo d’antan, ceux qui nous ont été offerts pour un Noël, pour un anniversaire, pour récompenser un bon trimestre à l’école…
Bref, si vous aussi, vous avez tendance aujourd’hui encore à humer vos vieilles notices en fermant les yeux, pour profiter d’une bouffée de nostalgie vivifiante avant de relancer ce jeu qui vous a tant fait rêver durant votre enfance, vous n’êtes pas seuls.